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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/51

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Dans un cabinet à côté, où l’on fait la cuisine et où l’on mange, un poêle, des bancs et une table. Une femme à l’air triste et dur me toisait de la tête aux pieds. Elle me dit qu’elle vendait du lait et du beurre aux personnes qui campaient dans le canyon ; qu’elle n’avait jamais eu de pensionnaires, si ce n’est deux vieilles dames asthmatiques, mais qu’elle me prendrait pour cinq dollars par semaine, si je savais « me rendre agréable ». Il fallait donner à manger aux chevaux, et je m’assis sur une caisse où, en prenant un repas de bœuf séché et de lait, je me mis à réfléchir. Si je retournais au fort Collins, je m’éloignais de la vie des montagnes et n’avais d’autre choix que Denver, endroit qui me faisait trembler ; ou bien il fallait prendre le train pour New-York. Ici la vie était dure, plus dure qu’aucune que j’eusse jamais imaginée ; les gens me répugnaient et par leur visage et par leurs manières, mais si je pouvais m’y habituer pendant quelques jours, je franchirais les canyons et tous les autres obstacles pour arriver à Estes-Park, qui est devenu le but de mon voyage et de mes espérances. Je me décidai donc à rester.


16 septembre.

Voilà cinq jours que je suis ici, et je ne suis pas plus près d’Estes-Park. Je ne sais comment passent les journées. Cette existence bornée m’ennuie. C’est une vie sans aucun incident. Quand le buggy eut disparu, j’eus l’impression que j’avais fait sauter le pont derrière moi. Je m’assis et tricotai pendant quelque temps ; C’est mon remède habituel dans les circonstances dé-