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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/67

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

sa plus grande partie. Il est sept heures du matin, le soleil n’est point encore assez chaud pour fondre le givre ; l’air est clair, brillant et froid ; le calme profond. Je n’entends rien, si ce n’est au loin, dans un canyon profond, le mugissement mystérieux d’une rivière que, cette nuit, pendant deux heures, nous avons essayé de découvrir. Les chevaux sont perdus, et si j’étais disposée à renvoyer à mes compagnons les termes qu’ils m’appliquent invariablement, j’écrirais avec une emphase amère : « cet homme » et « cette femme » sont partis à leur recherche.

Le paysage est splendide ; le sublime s’unit à la beauté, et, dans cet air élastique, je ne sens plus la fatigue. Ce n’est point un pays pour les touristes et les femmes ; seuls, quelques chasseurs d’élans et d’ours y viennent parfois, et sa fraîcheur non encore profanée me donne une vie nouvelle. Je ne puis par des mots vous donner une idée d’un paysage si différent de tout ce que vous et moi avons jamais vu. Imaginez une vallée élevée, herbeuse et fleurie, avec des clairières et des pelouses en pente ; le lit des torrents desséchés est bordé de cerisiers ; des pins se groupent artistiquement, et les flancs de la montagne sont recouverts de ces arbres qui se séparent en bordure, en descendant vers le « parc ». Les montagnes, trouant le bleu du ciel, se découpent en sommets d’un roc gris, abrupt ; un vallon d’herbe verte et luisante, sur laquelle des massifs nains de toxicodendrons écarlates font l’effet de parterres de géraniums, s’abaisse à l’ouest comme s’il conduisait à la rivière que nous cherchons. De profonds et vastes canyons s’étendent vers le couchant