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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/82

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VOYAGE D′UNE FEMME

et de femmes corrompus par l’avidité, par l’égoïsme, revendiquant et obtenant de leurs parents une indépendance complète dès l’âge de dix ans. Ils vivent dans un milieu d’impiété et souvent de profanation ; c’est l’une des choses les plus pénibles à constater. Aussi les chers petits que je vois ici sont-ils comme des fleurs dans un désert. Si l’on en excepte l’amour, qui, ici comme partout, élève la vie jusqu’à l’idéal, cette existence est misérable. Les pauvres récoltes ont été détruites maintes et maintes fois par les sauterelles, et ce talent, ici déifié sous le nom « d’adresse », l’a emporté sur le docteur, dans tous ses marchés, en ne lui laissant guère que le pain de ses enfants. De toutes manières, l’expérience a coûté cher, et cet exemple peut servir d’utile avertissement aux hommes dans une situation professionnelle, mais sans connaissances de l′agriculture, et les engager à ne pas tenter, pour gagner leur vie, de venir prendre une ferme au Colorado.

En dépit de mes regrets et de mes inquiétudes pour cette famille intéressante, j’ai passé ici un temps délicieux, et j’aimerais à rester plus longtemps, s’ils ne m’avaient point cédé leur lit de paille. Mrs Hughes et son bébé couchent par terre, dans ma chambre ; le docteur également par terre, à l’étage inférieur, et les nuits sont très-froides. Le travail est leur ordre du jour et le mien aussi ; le soir, quand les enfants son couchés, nous raccommodons les vêtements et faisons des chemises toutes les trois ; le docteur nous lit les poëmes de Tennyson, ou bien nous parlons avec charme de ce monde d’esprits cultivés et de noble