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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/83

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

actions qui semble être ici « le pays très-lointain » ; ou encore, Mrs Hughes dépose son ouvrage pendant quelques instants et lit à son four, comme rarement je l’ai entendu faire, un passage préféré de prose ou de poésie ; elle a une voix d’une grande étendue et d’un timbre charmant, prompte à interpréter toutes les nuances des intentions de l’auteur, et des yeux doux et expressifs que le sentiment et La sympathie mouillent de larmes. Ce sont nos bonnes heures, alors que, ne songeant plus aux besoins du lendemain, aux hommes qui achètent, vendent, trompent et se battent pour de l’or, nous oublions que nous sommes dans les montagnes Rocheuses et qu’il est près de minuit. Mais le matin arrive, chaud et fatigant, et le travail, qui ne cesse jamais, nous accable. Deux ou trois fois par jour, le docteur revient des champs, faible et étourdi : il se désole avec sa femme, et je sens qu’un colon du Colorado doit être fait d’une plus rude étoffe et se plier plus facilement aux circonstances.

Aujourd’hui à été pour moi une bonne journée, quoique je ne me sois assise qu’une fois depuis neuf heures du matin et il est maintenant cinq heures. J’avais comploté d’envoyer la jeune Suissesse, dans le chariot d’un voisin, passer la journée avec deux des enfants au settlement le plus proche, et de donner au docteur et à sa femme une après-midi de repos et de sommeil, tandis que je ferais toute la besogne et un peu de nettoyage. J’avais, pour mon compte, une grande lessive que le mauvais état de mon bras m’avait empêchée de faire la semaine dernière : mais une machine à tordre le linge, qui se visse au côté du baquet, est d’un