Aller au contenu

Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
VOYAGE D′UNE FEMME

grand secours, et en pliant les effets avant de les y faire passer, je m’en suis servie à la place de calendreur et de fers. Après avoir fait le pain, lavé à fond la baratte et les palettes, je me suis mise aux pots et aux casseroles, dont le nettoyage était resté en arrière, et je travaillais ferme, barbouillée de noir et couverte de graisse, quand un homme entra pour demander à quel endroit il devait passer la rivière avec son attelage de bœufs. Comme je le lui indiquais, il me regarda avec pitié, en disant : « Êtes-vous la nouvelle servante ? Dieu me bénisse, vous êtes terriblement petite. »

Hier, nous avons mis en réserve, pour l’hiver, trois quintaux de tomates et environ deux tonnes de courges et de citrouilles pour le bétail ; deux des premières pesaient 140 livres. J’ai recueilli le maïs de près du quart d’un acre, mais c’était une pauvre récolte, et les gousses étaient peu remplies. Je préfère de beaucoup le travail des champs à l’écurage des pots graisseux et au baquet à lessive, et j’aime encore mieux faire ces dernières choses que de coudre ou d’écrire.

Nous ne sommes point en Arcadie. « La rouerie », qui consiste à attraper le voisin de toutes les manières qui ne sont point illégales, est la qualité la plus prisée, et Mammon est la divinité. On ne peut attendre grand’-chose d’une génération élevée dans l’admiration de l’une et l’adoration de l’autre. Dans des districts éloignés du culte, comme l’est celui-ci, il y a trois manières de passer le dimanche : l’une consiste à faire des visites, à chasser et à pêcher ; l’autre, à dormir et à ne point travailler ; la troisième, enfin, à poursuivre toutes les occupations habituelles, et de cette façon-là les ré-