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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/151

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partageaient pas. Depuis, le patriotisme de l’intègre ministre était devenu de jour en jour plus ombrageux. Inexorable dans sa vertu, il avait imposé au roi des fonctionnaires que le roi ne connaissait que par des procès perdus contr’eux. Inaccessible à toute considération personnelle, et même aux séductions de l’amitié, on l’avait vu naguère, en pleine chambre, se lever contre une mesure dont M. Laffitte venait de se déclarer partisan[1]. Eh bien, malgré tout cela, M. Dupont (de l’Eure) était comblé de prévenances. On déjouait sa rudesse à force de douceur, et l’on apportait le plus grand soin à tourner son puritanisme.

Pour gagner M. de Lafayette, il avait fallu moins d’efforts, sa vanité le faisant esclave de quiconque paraissait fléchir sous sa toute puissance ou, seulement, la reconnaître. Cette vanité, du reste, s’alliait si bien chez lui à de généreux instincts qu’on était sur de le dominer, lorsqu’au désir de lui plaire on rapportait une action honorable. Aussi lui avait-on accordé avec empressement la grâce de plusieurs citoyens frappés par la politique de la Restauration. Ce fut un beau jour pour le vieux général que celui où il vit s’ouvrir, au château, les portes de l’appartement du roi, après que l’huissier de service eut annoncé d’une voix solennelle : Messieurs les condamnés politiques ! On conçoit combien il était aisé de tirer parti de ces nobles enfantillages de M. de Lafayette. La part qu’il prendrait au salut des captifs de Vincennes ne fut pas un seul instant douteuse. Il avait,

  1. M. Laffitte demandait, dans un intérêt purement financier, que l’impôt du timbre continuât à peser sur les journaux.