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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/301

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du catholicisme insulté ; et de tous côtés on se pressait vers les ponts pour jouir de ce spectacle. Le peuple avait envahi, au palais de justice, la salle des pas perdus, et il allait renverser la statue de Malesherbes, la prenant pour la statue d’un saint. « C’est un ami du peuple ! » s’écria, en s’élançant avec courage au devant de la foule, un jeune magistrat, M. Hortensius St-Albin. Et l’image du vénérable Malesherbes fut respectée. On était en plein carnaval : aux émotions de l’émeute se mêlaient toutes les extravagances du mardi-gras ; le pavé des quartiers opulents résonnait sous la roue des équipages ; les masques couraient tumultueusement par la ville. Le soir tout Paris fut illuminé. Sur le point où l’archevêché s’élevait la veille, il n’y avait plus que des ruines.

Quelques jours après, et quand l’étourdissement public fut passé, les partis, avec leur mauvaise foi ordinaire, commencèrent à s’accuser réciproquement. Les légitimistes reprochaient au pouvoir d’avoir lui-même présidé au soulèvement, dont, à les entendre, une cérémonie toute pieuse avait été le prétexte hypocrite. Les libéraux de l’opposition dénonçaient, non pas la complicité du pouvoir, mais sa faiblesse, fruit de ses divisions. Les hommes du château, de leur côté, honteux de la nature de leur triomphe, affectaient contre les carlistes une indignation douloureuse sur laquelle renchérissaient mensongèrement ceux qui étaient le plus intimement initiés à la politique occulte de la cour. « Vous n’êtes pas seulement coupables de vos folies, s’écriait le Journal des Débats avec une feinte colère et en s’adressant aux légiti-