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LE SATANISME ET LA MAGIE

quente ; faiseuse de cercles, girouettant pour l’amoureux dédaigué, avec des syllabes maugréées dans le vent vers la maîtresse qui l’a lâché, mais reviendra férue de passion, prise au lazzo de l’incantatrice.

D’où lui vient ce pouvoir ? Qui lui a transmis ce désolant privilège d’être en dehors des femmes ? Qui la mit au banc de ses semblables, — si près du diable ?

Parfois elle se remémore l’époque tragique où la posséda le don des dons… Nuit du dimanche ; rien n’est à faire, les bêtes malfaisantes n’obéissent pas, la « haute-chasse » même se tait… Est-ce bien de son passé à elle ou de l’initiation des mères ancestrales, dont elle se souvient nettement tout à coup ?

…Il y a des années, elle était presque jeune encore et pas veuve ; elle se fâcha de ce que son mari ne voulait pas lui bailler un hocqueton[1]. La voilà qui passe dans

  1. C’est la coquetterie, au moins autant que l’ennui et la souffrance, qui livre la femme à Satan. Gœthe en a écrit la légende de Marguerite ; mais Satan choisit ses disciples. Celles qui s’offrent à lui, vaincues et toutes faibles, s’il ne sait comment les utiliser à son service, il se contente de leur confisquer leur petite âme frivole. Il ne conserve que les fortement trempées, celles qui serviront à son apostolat. Témoin l’histoire suivante à laquelle il convient de laisser son caractère de vétusté.

    Histoire miraculeuse et admirable de la comtesse de Hornoc Flamande, qui a esté estranglée par le Diable dans la ville d’Anuers pour n’avoir trouué sô rabat bien goderonné le quinziesme Décembre 1615.


    Le luxe a esté de tous temps si dépraué par dedans les femmes principalement, qui semble qu’elles se soyet estudiés le plus à ce subjet qu’à autre chose quelle qu’elle soit. Geste laxiue Egyptienne Cléopatre ne se contentoit de porter sur soy à plus d’vn million d’or vaillant, des plus belles perles que produise l’Orient. Mais en un festin elle en faisoit dissoudre & manger à plus de vingt mille escus à ce pauure abusé de Marc Anthoine, à qui à la fin elle coustat et l’honneur et la vie.

    Je laisse une infinité d’histoires qui serviront à se subjet pour racompter ceste très véritable modernement arriuée d’Anuers, ville renommée et principale de la Flandre.

    La comtesse de Hornoc, fille unique de ceste illustre maison, estoit demeurée riche de plus de deuœ cent mille escus de renie, mais elle estait fort colérique, & lorsqu’elle estoit en colère, elle iuroit & se donnoit au diable, & outre elle estoit fort ambitieuse & sujette au Luxe, n’espargnant rien de ses moyens pour ce faire paroistre la plus pompeuse de la ville d’Anuers.

    Au moys de Décembre dernier elle fut enuoyée en vn festin qui ce faisoit en l’vne des principales maisons d’Anuers, où pour paroistre des plus releuées, elle ne manquait à ce subjet de ce faire des plus riches habits, & de plus belles façons qu’elle se pouuoit aduiser.

    Entre autre des plus belle & des lie toille, dont la Flandre, sur toutes les provinces de l’Europe, est la mieux fournie pour se faire des rabats des mieux goderoné, à ces fins elle auoit mandé quérir une empeseuse de la ville pour luy en accomoder vne couple, & qui fussent bien empesez, ceste empeseuse y met toute son industrie, les luy apporte, mais aueugle du Luxe, elle ne les trouue point à sa fantaisie, iurant & se donnant au Diable qu’elle ne les porterait point.

    Mande quérir une autre empeseuse, fit marché Wune pistole avec soy pour luy empeser un couple, à la charge de n’y rien espargner, Ceste y faict son possible, les ayant accommodez au mieux qu’elle auoit peu, les apporte à ceste Comtesse, laquelle possédée du malin esprit, ne les trouue point à sa fantaisie. Elle se met en colère, dépitant, iurant et maugréant, disant qu’elle se donnait au Diable corps & âme avant qu’acné parlasse des colets ou rabats de la sorte, réitirant ces paroles par plusieurs et diuerses fois.

    Le Diable, ennemy capital du genre humain, qui est iousiours aux escoutes pour pouuoir nous surprendre s’apparut à ceste Comtesse en figure d’homme de haute stature, habillé de noir. Ayant faict vn tour par la salle, s’accoste de la Comtesse, luy disant, & quoy, madame, vous estes en colère, qu’est-ce que vous auez, y peux ie mettre remède, ie le feray pour vous, cest un grand cas dit la Comtesse, que ie ne puisse trouuer en ceste ville vne femme qui me puisse accommoder vn rabat bien goderonné a ma fantaisie en voila que l’on me vient d’apporter, puis les iettant en terre, les foulant des pieds, dit ces mois, ie me donne au diable corps et âme, & iamais ie les porte.

    En ayant proféré ce détestable mot plusieurs fois, le diable sort vn rabat de dessous son manteau, luy disant : Madame, celuy-là vous airees il point, ouy, dit-elle, voila bien comme je les demande. Ie vous prie mettez le moy, et iesuis toute à vous de corps & d’âme, le diable le luy présente au col, & le luy tordit, en sorte qu’elle tomba morte à terre, au grand épouvantement de ces serviteurs. Le Diable s’esuanouyt faisant vn si gros pet comme si l’on eust tiré un coup de canon, & rompit toutes les verrines de la salle.

    Les parens de la dicte Comtesse, voulant cacher le faict, firent entendre qu’elle estait morte d’vn catarre qui l’auoit estranglé, & firent faire une bière, & firent préparer pour faire les obsecques à la grandeur, comme la qualité de celle dame portait, les cloches sonnent, les Prestres uiennent, quatre veulent porter la bière, ils ne peuuent remuer la bière, ils s’y mettent six autant que deuant, bref toutes les forces de tant qui sont ne peuuent remuer la bière, en sorte qu’on est contraint d’ateler des cheuaux, mais pour cela elle ne peut bouger, tellement que ce que l’on vouloit tenir caché fut descouuert, toute la mile en est, abreuée, le peuple y accourut ; de ravis des Magistrats, on ouvre la bière, il ne se trouue rien qu’en chat noir qui court & s’esvanouyt par dedans le peuple, voilà la fin de ceste misérable Comtesse, qui à perdu &. corps & âme par son trop de Luxe.

    Cecy doibt seruir de miroir exémplaire à tant de poupines, qui ne désirent que de paroistre de mieux goderonnez, mieux fardez, avec des faux cheueux, & dix mil fatras pour orner ce misérable corps, qui n’est à la fin que carcasse, pourriture, pasture des vers, & des plus vils animaux. Dieu leur doint la grâce ceste histoire leur profite & les conuie à amander leurs fautes. Ainsi soit il.