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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/102

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soirée à réfléchir solitairement aux événements du jour qui venait de finir et de la nuit précédente.

Il hésitait encore entre deux partis à prendre. Le plus sage eût été de retourner à Rennes et de laisser son dangereux ami se démêler comme il pourrait des suites de cette vilaine affaire de Bourse. Mais l’autre parti avait des côtés séduisants. Rester à Paris, s’y créer une situation indépendante, en usant des relations et des conseils de ce Gustave qui savait gagner cent cinquante mille francs en vingt minutes ; c’était tentant pour un secrétaire congédié. Il se disait qu’on peut gagner de l’argent dans le monde où ce garçon lui proposait de l’introduire, en gagner honnêtement et sans recommencer le coup de la fausse nouvelle.

Rien ne le pressait de quitter Paris, puisqu’il avait de quoi attendre, même sans toucher à la somme dont il se trouvait crédité malgré lui chez un agent de change, et plusieurs motifs l’y retenaient : entre autres, le désir bien légitime de se tirer des griffes de l’usurier, Rubis sur l’ongle, et de ne pas rester sous la menace d’une échéance.

D’ailleurs, quoi qu’il décidât, il ne pouvait pas partir sans voir cette jeune fille qui avait fait sur lui une si vive impression et qui réclamait son appui, avec une franchise de bon augure, par une lettre virilement tournée. Une intrigante, en quête d’un amant, n’aurait pas écrit de ce style. Et, après les incidents de la soirée chez la comtesse, Robert, qui était la cause involontaire du renvoi de Mlle Violette, lui devait bien de se rendre à l’appel qu’elle lui adressait.