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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/108

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Robert ne se fit pas prier pour y prendre place à côté de la jeune fille, qui se laissa aller un instant au plaisir de contempler le tableau changeant qu’elle avait sous les yeux : les promeneurs élégants répandus sur les contre-allées, les fringants cavaliers filant au grand trot, les huit-ressorts étincelants emportant vers les lacs du bois de Boulogne des heureux de ce monde et aussi des heureuses.

— Que c’est beau ! murmura Violette.

— C’est le spectacle que Paris donne à peu près tous les jours, de deux à quatre, dit Bécherel, en souriant. Est-ce donc la première fois que vous le voyez ?

— Mon Dieu, oui. Mme de Malvoisine sortait en voiture très souvent, mais elle ne m’emmenait pas avec elle… et je n’ai jamais osé m’aventurer seule, à pied, dans cette foule.

— Ces équipages… ces toilettes… tout ce luxe qui étincelle vous fait envie, sans doute ?

— Non. Il m’éblouit, mais il ne me tente pas. Je n’ai jamais ambitionné la richesse. Pour moi, ce ne serait pas le bonheur. Celui que je rêve est tout différent… et il ne m’est pas plus facile d’y atteindre.

— Où le placez-vous donc ?

— Ce que je voudrais avant tout, c’est l’indépendance.

— Alors, vous avez dû bien souffrir chez la comtesse.

— Au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Mais ces souffrances-là font partie de mon histoire et j’ai promis de vous la raconter. Je n’y arriverai