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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/110

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— C’est probable. Mais dans quel port ?… c’est ce que je n’ai jamais su et ne saurai jamais.

— Pourquoi ne le sauriez-vous jamais ? Je parie que je le trouverais, moi, ce port et que si je vous conduisais sur cette jetée, vous la reconnaîtriez.

— Peut-être, parce que, ce jour-là, je fus prise d’une peur atroce et je poussai de tels cris que ma nourrice dut m’emporter. Un fait comme celui-là se grave dans la mémoire d’un enfant et d’autres beaucoup plus importants n’y laissent aucune trace. Je reconnaîtrais peut-être l’endroit où j’ai pleuré ; je ne reconnaîtrais pas la ville. Je n’en ai gardé aucun souvenir.

— Mais… vos parents, vous devez vous les rappeler, votre mère, au moins…

— Très confusément. Je revois quelquefois par la pensée la figure d’une femme qui m’embrassait et, avec beaucoup d’efforts, j’arrive à me représenter ses traits. Mais l’image s’efface presque aussitôt et je ne la retrouve plus. Le son de sa voix qui était douce comme une musique me revient quelquefois à l’oreille et il me semble que je l’entends. Je me souviens aussi que cette femme, qui devait être ma mère, répétait souvent un mot que je n’ai jamais pu retrouver tout entier quoique je me rappelle vaguement l’assonance qui était sourde et brève… j’ai pensé depuis que ce devait être mon petit nom.

— Voilà encore un indice à noter. En fait de noms, il y a un répertoire tout indiqué ; c’est le calendrier qui contient la liste de toutes les saintes. L’avez-vous consulté ?

— Oui… et cette lecture n’a pas réveillé ma mémoire.