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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/111

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— J’essaierai, moi… je referai ce travail, et je m’amuserai à vous appeler à l’improviste par un des noms qui répondent au signalement que vous venez de me donner. Qui sait si vous ne vous rappellerez pas l’avoir déjà entendu autrefois ?

— Je n’en serais pas beaucoup plus avancée, murmura tristement Violette. Ce n’était sans doute pas un nom de famille.

— Et de la vôtre… de la maison que vous habitiez… vous ne vous souvenez pas ?

— Il me semble que cette maison était grande et que je m’essayais à marcher dans les allées sablées d’un jardin où il y avait des fleurs… C’est tout le souvenir qui m’en est resté.

— Si vous n’aviez que trois ans, l’oubli s’explique. Mais vous avez grandi, et quand vous avez pu parler, écouter, raisonner, quand votre intelligence s’est développée, vous avez dû avoir un sentiment plus net de votre situation et garder souvenance des choses et des personnes qui vous entouraient, jadis.

— Sans doute… et je me suis demandé bien des fois ce qui s’était passé à ce moment-là dans ma vie. Il y a une lacune inexplicable… C’est comme une grosse tache noire qui me cache les faits… Je suis parfois tentée de croire que j’ai dormi pendant deux ou trois années. Brisée par des évènements que j’ai toujours ignorés, la chaîne de mes souvenirs s’est renouée à l’époque où je me suis trouvée dans un orphelinat de Rennes… votre ville natale. Nous étions prédestinés à nous rencontrer un jour.

— C’est bizarre ! vous êtes née dans un port et