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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/117

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— Naturellement, murmura Bécherel, qui savait, par le colonel, à quoi s’en tenir sur le passé de la soi-disant comtesse.

— Tout cela n’eût été rien encore et une pauvre fille comme moi ne devait pas se plaindre des corvées qu’on lui imposait. J’étais payée pour les subir. Mais il y avait les soirées…

— Vous avez dû souffrir, au milieu de ce monde équivoque.

— Oui, j’ai souffert… plus que vous ne pouvez l’imaginer. Dans les premiers temps, je n’étais pas en état de juger les habitués du salon de la rue du Rocher… et encore moins les habituées. Je ne savais rien de la vie, n’en ayant vu que ce qu’on en voit dans un couvent et dans un pensionnat de demoiselles.

Il me semblait pourtant qu’il devait exister un monde où on rencontrait des hommes mieux élevés et des femmes moins évaporées.

Ce n’était chez moi qu’un instinct, car je manquais de points de comparaison.

Un soir, quelques mots dits par M. de Mornac, qui paraissait s’intéresser à moi, m’ouvrirent les yeux… et je compris que j’étais mal tombée.

Je m’aperçus aussi qu’on m’avait engagée surtout pour mettre en lumière les mérites d’Herminie. On m’aurait su gré d’être laide pour que le contraste fît valoir son éclatante beauté, mais on se contentait d’exiger que je vantasse son esprit et ses talents. Par malheur, j’avais beau m’évertuer à la proclamer grande musicienne, et à amener la conversation sur des sujets qui lui étaient familiers, je ne pouvais pas l’empêcher de