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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/129

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qu’au jardin des Tuileries. Et si je vous y ai donné rendez-vous, c’est parce que j’en savais le chemin.

— Mais du moins vous êtes allée au spectacle avec la comtesse ?

— Jamais je ne suis entrée dans un théâtre.

— Et vous voulez y débuter !

— C’est beaucoup d’audace, je le sais, mais que vous dirai-je ?… l’inconnu m’attire. Et je suis sûre que je ne me troublerai pas sur la scène… pour la même raison qu’un conscrit qui ignore le danger va bravement au feu.

Robert n’en revenait pas d’entendre Violette parler ainsi, mais le moment eût été mal choisi pour la décourager.

— Iriez-vous avec moi à l’Opéra où à l’Opéra-Comique ? lui demanda-t-il.

— Oh ! bien volontiers, répondit avec empressement la jeune fille. Écouter Don Juan… les Huguenots… Carmen… tous les chefs-d’œuvre que je sais par cœur… c’est mon rêve.

— Un rêve qu’il me sera facile de réaliser. Mais puisque vous avez confiance en moi, pourquoi ne me permettriez-vous pas de vous conduire au Havre ?… Je voudrais voir si vous reconnaîtriez la jetée… et nous chercherions ensemble la maison où il y avait un jardin.

— Je ne suis pas sûre que je la reconnaîtrais… mais je ferai ce que vous voudrez ; car je ne doute plus de vous. Je sais que vous ne m’obligerez jamais à vous rappeler nos conventions. Et maintenant que nous sommes d’accord, il faut que je vous quitte. Je veux voir aujourd’hui Mme Valbert, car je tiens à son estime, et si je ne me hâtais pas