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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/168

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Robert fut introduit par un valet de chambre, correctement vêtu de noir, et vit tout de suite que son entresol du faubourg Poissonnière n’était qu’une pauvre garçonnière, en comparaison de ce bel appartement.

Le colonel avait beaucoup plus d’argent que son protégé et il entendait à merveille la vie élégante et confortable. Aussi était-il admirablement installé. Il avait là de l’air, de l’espace et chaque pièce était appropriée à sa destination. Pas un solécisme d’ameublement, pas une nuance qui détonnât, pas de faux luxe, dans cet intérieur aménagé par un viveur intelligent. Il y avait assez d’objets d’art et il n’y en avait pas trop. M. de Mornac n’était pas tombé dans ce travers à la mode qui consiste à faire du logis qu’on habite une boutique de marchand d’antiquités. Peu de livres et peu de tableaux, mais ce peu était bien choisi. Plus de curiosités rapportées par lui-même de ses voyages que de bibelots achetés à l’hôtel des ventes, au hasard des enchères. Pas de mièvreries non plus. Il y a des logements de garçon qui ont l’air d’avoir été disposés pour héberger une femme galante et on pourrait presque dire que les mobiliers ont un sexe.

Le mobilier de M. de Mornac était du sexe masculin.

Et M. de Mornac se plaisait fort dans le nid vaste et commode qu’il s’était arrangé. Il y revenait toujours avec joie, après des excursions dans des mondes où on sacrifie tout à l’effet — à la pose, comme on dit maintenant, — et il appréciait d’autant mieux le bonheur de l’habiter qu’il avait passé vingt-cinq ans de sa vie à s’en-