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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/167

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Le trajet fut assez long et il eut tout le temps de réfléchir en route à ce qu’il allait dire au colonel. Il s’était promis de lui demander conseil, mais il aurait fallu commencer par lui raconter la découverte qu’il venait de faire.

Sceptique comme il l’était, M. de Mornac pourrait bien ne pas la prendre au sérieux et même se moquer des projets chevaleresques de Robert. Ce ci-devant dragon s’intéressait aux amours de son jeune ami avec la gentille Violette, mais il se soucierait sans doute fort peu de la problématique victime des persécutions d’un usurier qu’il ne connaissait pas. Le colonel s’était offert à chercher avec Robert les parents de l’orpheline ; il ne serait probablement pas disposé à se mettre en campagne pour redresser des torts qui ne le touchaient pas du tout. En demandant trop, Robert pouvait ne rien obtenir, et par conséquent nuire à la pauvre jeune fille, qui avait grand besoin de l’appui de M. de Mornac, non seulement pour débuter au théâtre, mais encore pour se défendre contre des ennemis acharnés à sa perte. Et, faisant un retour sur lui-même, Bécherel en vint à se dire que Violette n’aurait aucun gré à lui savoir de défendre une femme, au lieu de s’occuper uniquement d’elle.

Tout bien considéré, et après avoir pesé le pour et le contre, il résolut d’aborder le colonel sans parti pris, de s’inspirer des circonstances et de n’entamer le récit de sa récente aventure que si l’ancien ami de son père le mettait sur la voie.

Midi sonnait quand la voiture de place s’arrêta devant une maison neuve où M. de Mornac occupait, au fond d’une large cour, un pavillon séparé.