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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/17

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soyez libre. Vous êtes ici chez vous. Gustave va vous piloter dans mon salon où chacun fait ce qu’il veut.

— Nous allons commencer par faire notre cour à Mlle Herminie, s’écria le gros Gustave en poussant Robert vers le piano devant lequel trois jeunes filles causaient, debout, à quelques pas d’une table où deux messieurs, entourés de plusieurs autres, jouaient à l’écarté.

Au centre de ce petit groupe qu’un poète classique aurait certainement comparé au groupe des trois Grâces, la belle Herminie dominait ses compagnes de toute la hauteur de sa taille presque masculine.

On la voyait de très loin et Robert ne s’y trompa point. C’était bien là l’héritière que Gustave lui avait dépeinte. À sa prestance, on devinait la demoiselle bien dotée qui regarde les jeunes gens du haut de sa grandeur. Elle avait l’air de leur dire : Adorez-moi. Je serai millionnaire un jour.

Très belle, du reste, de cette beauté qu’on prisait beaucoup sous le directoire. Grands traits réguliers, grands yeux noirs, épaules superbes, taille majestueuse. Habillée comme s’habillait Mme Tallien, du temps de Barras, Herminie eût été admirable.

Elle portait moins heureusement la toilette moderne qui va si bien aux femmes sveltes. Sa robe accusait trop ses formes trop massives. Pour tout dire, en deux mots, Herminie manquait de grâce et de distinction, mais, en compensation de ce désavantage, elle possédait un teint d’une fraîcheur sans pareille et des dents très blanches qu’elle montrait à tout propos.