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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/182

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grand trou noir ! Heureusement, je suis plus forte que je ne l’aurais cru, car j’ai pu dominer ma première émotion, et au troisième morceau que j’ai chanté, il me semblait déjà que je n’avais fait que cela toute ma vie.

— C’est que vous êtes née artiste, murmura Bécherel. Vous faites bien de suivre voter vocation.

— Parlez-vous sincèrement ? demanda la jeune fille.

— Pourquoi en doutez-vous ?

— Parce que vous n’avez pas l’air bien convaincu de ce que vous dites. Est-ce donc que vous me blâmez ?

— Je n’en ai pas le droit, mademoiselle.

— Mais si, monsieur, vous en avez le droit, puisque vous êtes mon meilleur, mon seul ami, et si j’avais cru vous déplaire, en me présentant à ce directeur, je serais restée chez moi.

— Vous auriez eu grand tort, dit vivement Robert qui voyait que Violette avait les larmes aux yeux. Croyez, je vous en prie que je suis heureux de votre triomphe. Si je ne parais pas aussi joyeux que je devrais l’être, c’est que j’avais rêvé pour vous un autre bonheur… moins éclatant, mais plus durable que la gloire artistique.

— Oui, je le sais… vous rêviez de me rendre tout ce que j’ai perdu… un nom, une famille, une mère peut-être… hélas ! c’était un rêve… vous n’auriez pas réussi… et je me serais reproché de vous laisser vous engager dans une pareille entreprise. Encore si j’avais pu vous fournir quelques renseignements utiles… mais que faire des souvenirs confus qui me sont restés de mon passé ?… et