Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/183

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pourtant, je dois convenir que, hier, après vous avoir quitté, ma mémoire s’est réveillée tout à coup sur un point… un seul. Je me suis rappelé ce petit nom qu’on me donnait dans ma première enfance et que j’avais, vous le savez, complètement oublié.

Et ce réveil de ma mémoire s’est produit par hasard, continua Violette. Figurez-vous qu’en traversant le jardin des Tuileries, après vous avoir quitté, je suis tombée au milieu d’une bande de fillettes qui jouaient aux quatre coins sous les arbres. J’adore les enfants, et je me suis arrêtée à les regarder. Il y en avait une qui ne réussissait jamais à attraper un coin. Les autres se moquaient d’elle et l’appelaient à chaque instant par son nom pour la narguer.

— Eh bien ! demanda Robert, impatient de savoir la suite.

— Eh bien, mon ami, ce nom, c’est celui que me donnait ma mère. Comment l’avais-je oublié ?… Comment m’est-il revenu tout à coup ?… Sans doute parce que personne ne l’avait prononcé devant moi depuis mon enfance. Il est vrai qu’il n’est plus à la mode et que peu de femmes le portent.

— Et ce nom, c’est…

— Simone. Il n’est ni joli, ni harmonieux, n’est-ce pas ?

— Simone ! répéta Bécherel, surpris et encore plus ému.

Il se souvenait, lui aussi. Ce nom, il en avait entendu la dernière syllabe, alors qu’il écoutait, à travers une porte bardée de fer, les douloureux appels de la victime de Marcandier. Le son de cette finale sourde lui était resté dans l’oreille. Il s’éton-