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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/19

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Violette baissa les yeux et obéit sans mot dire. La pauvre fille n’était pas là pour faire sa volonté. La comtesse la payait pour chanter ; il fallait qu’elle chantât. Mais elle avait bien le droit de penser que Mlle Herminie, son ingrate élève, la punissait trop durement d’avoir osé se mêler un instant à la conversation engagée avec le nouveau venu.

Robert, touché de cette scène muette, fut pris d’une folle envie de cingler d’une bonne impertinence la demoiselle aux grands airs et il fut pris aussi d’une profonde pitié pour cette malheureuse musicienne que la nécessité de gagner son pain condamnait à se laisser traiter comme une servante.

Gustave le calma d’un coup d’œil et, fort à propos, Mme de Malvoisine appela sa pupille qui salua froidement ces messieurs et s’en alla, fort mécontente d’avoir manqué son effet, rejoindre la comtesse.

La troisième jeune fille, une blonde insignifiante, suivit Herminie et les deux amis restèrent seuls, à proximité du piano.

— Eh bien ? demanda Gustave. Que penses-tu de la triomphante Herminie ? Conviens qu’elle est magnifique.

— Comme déesse de la Liberté, on ne trouverait pas mieux. Elle me rappelle la statue de la ville de Marseille qui est sur la place de la Concorde.

— Diable ! tu es bien difficile. Je t’accorde qu’elle n’a pas une taille de guêpe. Mais, pour ma part, je la préfère à cette institutrice maigrelette qui me paraît t’avoir donné dans l’œil.

— Chacun son goût, cher ami.

— C’est juste. Et comme je ne suis pas venu ici pour flirter avec les demoiselles, je vais tâter un