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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/196

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Au pensionnat de Saint-Mandé, elle n’avait fait que s’infatuer davantage de sa beauté et de l’opulence de ses parents, mais avait fini par y voir clair dans sa situation.

Elle s’était aperçue que la richesse n’est pas tout et que sa naissance lui fermait certaines portes qui s’ouvraient pour des jeunes filles moins bien dotées qu’elle. Et une fois rentrée chez sa mère, elle n’avait pas tardé à deviner toute la vérité.

D’autres, à sa place, auraient plaint cette mère déraillée et se seraient attachées à ce père qui cachait sa paternité pour des motifs qu’elle n’avait pas à juger.

Herminie méprisait Mme de Malvoisine qu’elle seule aurait dû respecter ; elle ménageait son soi-disant oncle, parce que son avenir dépendait de ce millionnaire, mais elle n’avait pour lui qu’une très mince affection et elle s’accommodait fort bien de ne le voir qu’à d’assez rares intervalles.

Et c’est en vivant dans le salon de la fausse comtesse qu’elle s’était juré d’en sortir par un mariage qui la bombarderait femme du vrai monde. C’est le rêve éternel de toutes les déclassées ; et pas plus que les drôlesses enrichies par l’inconduite, Herminie, tarée par son origine, ne comprenait que ces mariages-là abaissent l’homme qui les fait et ne relèvent pas sa femme.

Il fallait à cette bâtarde un fils de famille noble et les prétendants de cette catégorie ne fréquentaient pas le salon de la rue du Rocher. Robert de Bécherel y était venu, par hasard ; son nom lui avait plus et elle le trouvait charmant. Elle avait décidé, séance tenante, qu’elle l’épouserait et elle n’en voulait pas démordre.