Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/257

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dangereux, je vous sauverai tout de même. Dites-moi qui vous êtes. Contez-moi votre histoire et, je vous le jure, demain vous serez libre. J’avertirai la justice qu’on vous retient ici contre votre gré ; par son ordre, les portes de ce grenier s’ouvriront et les misérables qui vous y ont enfermée seront punis.

Parlez, je vous en prie. Vous comprenez bien la question que je vous adresse. J’attends votre réponse.

La réponse ne vint pas. Bécherel commençait à se demander s’il n’avait pas affaire à une idiote, mais il ne se découragea pas.

— Voyons, reprit-il, vous n’avez pas toujours vécu ici. Vous étiez quelqu’un avant qu’on vous reléguât dans cet affreux galetas. Vous aviez un nom. Dites-le-moi.

— Un nom ? murmura la femme.

— Oui. Comment vous appelez-vous ?

— Je ne sais pas… j’ai oublié.

— Eh bien, faites un effort. La mémoire va vous revenir.

— Je ne peux pas.

Robert ne croyait guère à cette oblitération totale d’une faculté qui diminue avec l’âge, mais qu’on ne perd jamais complètement. Les vieillards ne se rappellent pas les faits récents, mais ils se rappellent très bien les faits anciens, et les fous eux-mêmes gardent quelque souvenir de leur passé.

Robert, qui savait cela, n’abandonna donc pas la partie ; seulement, il s’y prit d’une autre façon.

— Vous habitiez un port de mer, n’est-ce pas ? demanda-t-il brusquement.