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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/274

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disent au printemps les petits oiseaux qui gazouillent sous la feuillée.

Leurs causeries tendres auraient fort ennuyé le colonel, qui n’était pas sentimental. Elles les ravissaient, et Violette, sans livrer à Robert le secret de son cœur, en était venue à le lui laisser deviner. Elle ne se cachait plus de l’aimer, et elle s’inquiétait beaucoup moins de l’avenir. Ils semblaient s’être entendus pour n’en jamais parler. Ils se laissaient aller au courant, comme des marins qui ont cessé de ramer, et ils ne se demandaient pas où ils aborderaient. Au mariage ou à l’union libre ? Il en serait ce que Dieu voudrait, et en attendant la fin du voyage, ils savouraient le bonheur de se voir chaque jour et d’échanger de doux propos, les yeux dans les yeux, la main dans la main.

À ce jeu, Violette risquait son repos, mais elle espérait rester maîtresse d’elle-même et elle croyait Robert incapable d’abuser du sentiment qu’il lui inspirait. Quand elle se sentait faiblir, elle lui parlait de son théâtre et de ce dur travail des répétitions qui l’écrasait de fatigue.

Elle n’avait cependant pas à se plaindre, ni à regretter la résolution qu’elle avait prise, car de ce côté, tout allait à souhait.

Le directeur, qui comptait sur un succès éclatant, la choyait comme le propriétaire d’une écurie de courses soigne le cheval avec lequel il espère gagner le Grand Prix de Paris. Les auteurs de l’opérette se frottaient les mains, comme s’ils avaient découvert une mine d’or. Et les artistes eux-mêmes étaient obligés de reconnaître que la remplaçante