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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/280

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Le colonel s’était chargé de donner ses instructions à ce dispensateur des applaudissements, important personnage dont le tact et l’adresse peuvent atténuer la chute ou corser le succès d’une pièce et d’un artiste.

Le colonel avait pris la chose à cœur. Il y consacrait tout son temps et toute son influence. Il avait pris, à ses frais, plusieurs fauteuils où il comptait placer ses amis des deux sexes.

De plus, il ne manquait pas une répétition, encourageant Violette et lui donnant des conseils, amadouant les artistes, mal disposés d’abord, les femmes surtout.

Et, entre Violette et lui, il n’était jamais question de Robert de Bécherel. C’était convenu avec Robert, qui donnait carte blanche à son protecteur, parce qu’il avait mis en lui toute sa confiance.

Robert ne comptait pas cependant pousser l’abstention jusqu’à se priver d’assister à la première représentation, mais il s’était juré de ne pas entrer dans les coulisses. Il avait tout simplement retenu un fauteuil d’orchestre sur un bon rang et il se promettait de ne pas le quitter, jusqu’à la fin de la pièce.

La répétition générale avait eu lieu à huis clos. On n’y avait même pas admis les critiques, et cette exclusion inusitée était encore un truc de Cochard, qui tenait à laisser aux spectateurs payant tout le plaisir de la surprise.

Le matin de la représentation, Robert déjeuna au café de la Paix avec le colonel qui se montra de plus en plus rassuré, et ils ne se répandirent point en propos oiseux sur les chances de l’épreuve que Violette allait affronter, le soir même.