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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/290

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librettiste l’avait intitulée : l’Île des Oiseaux, et le livret dépassait en ineptie toutes les productions de la même espèce. C’était un miracle que le compositeur eût trouvé de jolis airs à mettre sur ce fond d’extravagances niaises.

Robert savait cela par M. de Mornac et aussi par Violette qui n’était pas mécontente de son rôle, écrit justement dans sa voix, ni de ses costumes coquets et pas trop écourtés.

Elle espérait que la musique sauverait les paroles, et le colonel n’en doutait pas.

Bécherel était moins rassuré, et les propos qu’il entendait à la porte du théâtre ne le tranquillisèrent pas.

— L’Île des Oiseaux ! ricanait un des jolis messieurs qui piétinaient près de lui. En voilà un titre bête ! Pourquoi pas l’Île des Lapins ?

— Parce qu’aucune femme ne viendrait voir ça, riposta un autre chevalier du gardénia ; elles croiraient toutes qu’on veut leur en poser un.

En d’autres temps, Robert aurait peut-être fait chorus avec ces aimables farceurs, car il n’aimait pas les calembredaines musicales ; mais ne il pensait qu’à Violette et tout ce qu’on disait contre le théâtre où elle allait chanter le piquait comme une insulte à lui personnelle. Il regarda de travers les plaisants et, pour cesser d’entendre leurs sots propos, il entra dans la salle.

Elle était petite, mais on l’avait fraîchement restaurée et elle paraissait toute neuve. Peu s’en fallait qu’elle ne fût déjà pleine et les habitués n’avaient pas mémoire de l’avoir jamais vue si bien garnie. Habits noirs à