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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/289

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Le public du parterre et des galeries hautes, ce public qui ne dédaigne pas de faire la queue, était déjà entré dans la salle et les spectateurs élégants commençaient à arriver.

Des coupés de maîtres fendaient au grand trot la foule des marchands de contremarques et jetaient sous le vestibule des messieurs cravatés de blanc.

On voyait bien que M. de Mornac avait battu le rappel parmi ses amis des clubs, et il fallait que le début de Mlle Thabor surexcitât au plus haut point leur curiosité pour qu’ils eussent ainsi écourté leur dîner, de peur de manquer l’entrée en scène de la diva inédite.

Bécherel remarqua même un ou deux huit ressorts, avec cocher en livrée et laquais derrière, amenant des femmes en grande toilette de soirée ; mais il n’aperçut pas ces dames de la rue du Rocher.

Violette était depuis longtemps dans sa loge d’artiste ; pour s’y rendre, elle avait dû passer par une allée noire qui s’ouvrait dans une rue étroite, derrière le théâtre, et Robert n’espérait pas rencontrer le colonel, très affairé ce soir-là dans les coulisses et dans le cabinet du directeur. Cependant, il ne se pressa pas d’entrer, et il acheva son cigare sur le trottoir, non loin de quelques gommeux qui parlaient de la pièce et de la débutante.

L’opérette qui portait la fortune de Cochard était l’œuvre d’un musicien de talent, mais elle avait le tort d’appartenir à un genre démodé. Elle tenait un peu de la féerie. L’action se passait dans un de ces pays imaginaires gouvernés par une reine Tohubohu XXV ou par un roi Potiron XXXVI. Le