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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/305

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certaine inquiétude, mais l’archet du chef d’orchestre frappant sur son pupitre annonça le deuxième acte et Robert ne pensa qu’à Violette.

On l’avait chaleureusement applaudie à sa première entrée et à son premier air. Quand elle reparut à la trois sur deux, comme on dit en argot des coulisses, ce fut de la frénésie. La salle faillit crouler. La débutante avait changé de costume ; elle était toujours habillée en fauvette, mais en fauvette de cour ; soie et velours, avec des diamants partout, au cou, aux oreilles et dans les cheveux : de superbes pierres fausses fournies par le directeur Cochard ; et sa beauté y gagnait encore.

Pour elle, cet acte ne fut qu’un long triomphe. Elle était en scène tout le temps, tantôt pour chanter un grand morceau qu’elle enlevait avec un brio incomparable, tantôt pour soutenir des dialogues gais avec Vautour Ier qui voulait la faire asseoir sur son trône et avec la Reine Pintade qui complotait de la livrer aux hiboux, bourreaux attitrés du souverain des Oiseaux. Violette les dit avec beaucoup de finesse et d’esprit. Son jeu valait sa voix. Elle était décidément née pour le théâtre et sa place était marquée à l’Opéra-Comique.

Au plus fort de l’extase où le ravissait les succès inespérés de la jeune fille qu’il aimait, Bécherel fut dérangé par des murmures de ses voisins de droite. Il tourna la tête de ce côté et il ne fut pas peu surpris de voir que le préposé à l’entrée des fauteuils d’orchestre l’appelait du geste et lui montrait de loin un papier qu’il tenait à la main.

Agacés par cette pantomime, les spectateurs assis sur le même rang que Robert commençaient