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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/345

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tôt, les secousses devinrent moins fortes et Violette comprit qu’on roulait maintenant sur le macadam. Mais il lui était impossible de deviner quel chemin on avait pris. Elle pensa qu’on l’emmenait hors de Paris, pour l’égorger en plein champ, ou pour la jeter dans la Seine.

La mort ne l’effrayait pas. Elle y était résignée et elle la préférait aux violences qu’elle ait craint de subir avant que Galimas la laissât partir. Mais elle n’aurait pas voulu mourir, sans revoir Robert, et elle ne pouvait pas supporter l’idée qu’il l’accuserait de s’être fait enlever volontairement comme tant d’autres femmes : ladies anglaises fuyant avec un ténor le domicile conjugal ; actrices abandonnant subitement le théâtre pour suivre un prince russe, prêt à les couvrir d’or.

Et c’était là le sort qui l’attendait fatalement, car Robert ne pouvait pas deviner la vérité.

Comment décrire ce qu’elle souffrit pendant cet horrible voyage, qui ne fut pas très long, mais qui lui sembla durer un siècle ?

Enfin, la voiture s’arrêta, la portière s’ouvrit, les bourreaux descendirent, enlevèrent la jeune fille comme un paquet et l’emportèrent en la tenant par les pieds et par la tête.

Elle comprit qu’ils entraient dans une maison. L’air était moins vif. Mais ils ne firent que la traverser, et au bruit du sable qui craquait sous leurs pieds, elle pensa qu’ils suivaient une allée de jardin.

Bientôt, elle n’en douta plus. Des branches d’arbustes, mouillées par l’humidité de la nuit, frôlaient son visage, et une odeur de terre fraîchement