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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/350

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— Tu lui ressembles ; mais ce n’est pas toi.

— Que feriez-vous si vous la retrouviez ?

— Ce que je ferais ? Comment oses-tu me demander cela ? Tu ne comprends donc pas que celle que je pleure était ma fille.

— Votre fille ! s’écria Violette.

Et elle se mit à dévisager l’inconnue. Ses traits amaigris par la souffrance ne lui apprirent rien, mais la voix lui rappela un souvenir. Il lui semblait l’avoir déjà entendue aux jours de son enfance, cette voix douce et bien timbrée.

— À votre tour, reprit-elle ; dites moi votre nom ?

— Mon nom ?… je l’ai oublié… Je cherche quelquefois à m’en souvenir… et il y a des jours où il me revient tout à coup.

— Eh bien ! essayez, je vous en supplie.

La femme prit son front dans ses deux mains et resta longtemps immobile et silencieuse.

Puis, se redressant brusquement :

— Autrefois, je m’appelais Berthe.

Violette pâlit. Elle aussi se rappelait tout à coup.

— Vous habitiez un port de mer ? demanda-t-elle.

— J’habitais tout près de la mer… Comment le sais-tu ?

— Au Havre, peut-être.

— Non, à Ingouville.

Violette savait assez de géographie pour ne pas ignorer que le joli village d’Ingouville est un faubourg du Havre.

— Sur un coteau ? reprit-elle vivement.

— Oui… Des fenêtres de notre maison je voyais la mer.

— Et il y avait un grand jardin, plein de fleurs.