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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/357

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comptant. À vingt, il travaillait chez un remisier. Où a-t-il ramassé les premiers billets de mille qui lui ont permis d’opérer à son compte ? Le diable seul pourrait le dire. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il possède aujourd’hui de quatre à cinq millions, dont il fait le plus mauvais usage, sans se brouiller toutefois avec la justice. Ce champignon vénéneux, poussé comme tant d’autres sur le fumier de la Bourse, prospère et grandit tous les jours… et je ne te conseille pas d’essayer de l’extirper. S’il a séduit Violette, tant pis pour elle ! Nous n’y pouvons rien.

J’arrive à Marcandier. L’histoire de celui-là est plus compliquée et se rattache à celle de ces dames de la rue du Rocher. Voici comment :

La Malvoisine, je te l’ai déjà dit, était, il y a vingt-cinq ans, à la tête d’un magasin de modes fort bien achalandé.

— À Paris ? demanda Bécherel.

— Oui, rue Vivienne, et elle avait pour clients les demoiselles à la mode de ce temps-là. Elle était fort belle et pas vertueuse du tout. Entre autres connaissance masculines, elle fit celle d’un monsieur dont la réputation était des plus douteuses, mais dont l’opulence était incontestable, à en juger par le train qu’il menait.

Ce personnage, qui n’habitait Paris que d’un façon intermittente, armait, disait-on, au Brésil, des navires dont il était propriétaire et qu’il commandait quelquefois lui-même. On le connaissait sous le nom de Morgan.

De sa liaison avec Joséphine Lureau, qui se fait appeler maintenant Mme de Malvoisine, naquit une fille.