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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/36

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personne dans une bataille qu’il livrait à contrecœur. Et de peur de s’y intéresser malgré lui, il se mit à regarder Violette, au lieu de regarder les cartes.

La jeune fille n’avait pas quitté le piano, mais elle n’y était plus seule. Un monsieur à barbe rousse était venu se planter derrière son tabouret et affectait de lui parler de très près. Elle faisait de son mieux pour se débarrasser des assiduités de ce fat et, n’y réussissant pas, elle se mit à jouer le quadrille le plus bruyant qu’aient jamais dansé les habitués du bal de l’Opéra. Ce tapage couvrit la voix du galant, qui fut obligé de rengainer ses fades compliments et de battre en retraite, non sans lancer à la malheureuse Violette une dernière impertinence que, par bonheur, Robert n’entendit pas, car il aurait immédiatement pris fait et cause pour la persécutée.

— Le roi ! annonça Gustave, en tournant la onzième carte. Je marque un point.

L’adversaire joua d’autorité et perdit.

— J’en marque deux qui font trois, reprit Gustave.

C’en fut assez pour faire momentanément oublier à Bécherel la scène à laquelle il venait d’assister de loin. La passion du jeu l’avait ressaisi et il reporta toute son attention sur la partie si bien commencée. Elle finit mieux encore, car au coup qui suivit, le triomphant Gustave fit la vole et gagna.

Ce succès laissa Robert assez indifférent. Ce n’était pas le gain qu’il cherchait, c’était surtout les émotions, et il n’avait pas eu le temps d’en éprouver de bien vives, faute de péripéties pendant ce combat si court.