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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/8

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heurtés relevèrent leurs parapluies et se reconnurent à la clarté d’un bec de gaz.

— Comment !… c’est toi !… s’écrièrent-ils en même temps.

Ils étaient jeunes tous les deux, mais ils ne se ressemblaient pas du tout.

Celui qui arrivait du côté de la Madeleine était grand, mince, brun et remarquablement joli garçon.

L’autre, qui venait du côté de la Bastille, avait les épaules larges, un commencement d’embonpoint, des cheveux d’un blond ardent, une barbe rousse en éventail et une figure, non pas laide, mais insignifiante, ce qui est bien pis.

Le plus âgé des deux n’avait certainement pas vingt-cinq ans.

— En voilà un hasard ! s’écria le brun. Sais-tu, mon chez Gustave, que nous ne nous sommes pas revus depuis le temps où nous faisions notre volontariat au 24e dragons, à Dinan ?

— En 79, mon vieux Robert. Six ans, ça compte dans la vie et je suis ravi de te retrouver. Mais si nous restons sur l’asphalte, nous serons trempés jusqu’aux os. Entrons dans le passage pour causer un brin.

— Je ne demande pas mieux.

Ils eurent quelque peine à se glisser dans la galerie des Panoramas, tout encombrée de gens qui s’y étaient réfugiés pour s’abriter ; mais, en s’éloignant de l’entrée, ils purent marcher côte à côte et reprendre l’entretien ébauché sur le boulevard.

— Qu’est-ce que tu fais, toi ? demanda le gros Gustave en regardant à la dérobée son ancien camarade, comme s’il eût voulu s’assurer que la