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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/95

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des scrupules ! Je t’apporte presque une fortune et tu fais la fine bouche ! c’est vraiment par trop bête ! Mais je vais mettre ta conscience en repos. Apprends, cher ami, que sans toi, je n’aurais pas pu opérer sur trois cent mille francs de rente. Je me suis servi de ton nom et de ton crédit.

— Mon crédit ?… tu es fou.

— Mais non. Écoute un peu comment je m’y suis pris. J’ai un ami qui est en situation d’avoir des nouvelles sûres… ou passant pour telles… ce blond que tu as vu au restaurant… il a suffi qu’il s’y montrât et qu’il me parlât pour que le bruit se répandit qu’il venait de me confier un secret du gouvernement. Comme je voulais opérer pour mon compte et que je n’ai pas assez de surface, il me fallait un nom à mettre en avant. J’ai pris le tien. M. Bécherel, gros propriétaire foncier, en Bretagne, a joué à la baisse, par mon intermédiaire. Un fort coulissier qui a toute confiance en moi ne m’en a pas demandé davantage… d’autant que le résultat de l’opération était certain… pourvu qu’elle fût bien menée et je l’ai dirigée… magistralement, j’ose le dire. Nous avons racheté, juste une minute avant qu’on n’affichât la dépêche officielle qui dément la nouvelle d’un désastre au Tonkin. Maintenant, l’affaire est dans le sac. Tu n’as plus qu’à te présenter avec moi chez l’agent de change, le quatre du mois prochain, et sur ta signature tu toucheras les cent cinquante mille. J’en remettrai la moitié à mon donneur de renseignements et nous nous partagerons le reste… soit environ trente-cinq mille pour chacun de nous.