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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/110

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de ceux qui vivent avec nous. Celle de Murville étoit inépuiſable. Il ſe multiplioit pour prévenir mes goûts les plus bizarres ; ſe replioit en cent façons pour me tirer de mon abattement ; lui ſeul avoit le talent de ranimer en moi quelques facultés agréables, & l’adreſſe d’écarter les choſes qui pouvoient me déplaire.

Tout cela étoit bien ſéduiſant, bien dangereux pour l’amour que j’avois voué à Rozane !… Je ne voyois plus clair dans mon cœur. Le Chevalier m’étoit devenu néceſſaire. Je regardois, non avec plaiſir, mais ſans frayeur, l’engagement que je devois contracter avec lui. Je mettois même en queſtion, ſi ſa gaieté toujours ſoutenue, toujours variée, ne répandroit pas plus de charmes dans une intime ſociété, que la tendre langueur du Comte ; & les ſecours que j’en recevois, mettoient un grand poids dans la balance.

J’errois dans ce vague d’idées, de ſentiments, quand Murville reçut une lettre qui l’appelloit en Province. Quoique ce voyage ne dût pas être long, il m’en témoigna des regrets fort vifs, & s’en fit un prétexte pour me conjurer de nous unir avant ſon départ.

Je me croyois encore ſi loin du dénouement, qu’une telle propoſition me troubla. Il n’y avoit pas moyen de dire un non abſolu ;