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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/120

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Cette crainte étoit ſi tourmentante, que, pour ma propre tranquillité, je me vis obligée de me compoſer un ſyſtême de juſtification : je l’établis ſur mes cris, mes pleurs, mes réſiſtances ; ſur la néceſſité du choix où j’avois été réduite, ſur le temps même où l’on m’avoit portée à l’Autel pour y ratifier un conſentement extorqué.

Je crus avoir beaucoup fait en me muniſſant des armes néceſſaires contre les attaques de Mademoiſelle d’Aulnai ; mais c’étaient des armes à deux tranchants, qui bleſſoient mon cœur, pendant que je les préparois pour ma défenſe : de ſorte qu’après avoir bien ramé, bien parcouru du chemin, je me trouvai préciſément au point d’où j’étois partie, c’eſt-à-dire ; dans ces fatigantes alternatives d’égarement & de raiſon.

Dès que le retour du printemps eut rendu la campagne agréable, ma mere vint m’y rejoindre, traînant après elle, ſelon ſa coutume, une compagnie brillante & nombreuſe.

Si je n’avois eu à vaincre que l’ennui, rien ne m’auroit mieux ſervi qu’une aſſemblée de gens diſpoſés à s’amuſer de tout ; mais leur gaieté étoit un aſſez mauvais remède pour les maux que je ſouffrois. Comment m’y prêter de bonne grâce ? Comment étouffer mes ſoupirs, diſſimuler ma triſteſſe,