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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/13

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pas être bien efficace, auſſi n’aboutit-elle qu’à me faire diſſimuler, avec plus de ſoin, le culte que je rendois à ma petite perſonne, en attendant que quelqu’un vînt le partager.

J’étois dans ces diſpoſitions, quand le Marquis de Rozane, ami de M. de Tournemont, amena ſon fils à Paris pour le mettre dans les Mouſquetaires. Le Comte avoit près de dix-ſept ans ; j’en avois à peine treize. Mon viſage promettoit beaucoup ; le ſien étoit céleſte ; mais ſon maintien, ſes diſcours, exprimoient cette candeur, cette innocence timide que donne une ſage éducation… Plus avancée que je n’aurois dû l’être, j’apperçus facilement les moyens propres à détruire l’extrême retenue du Comte : un voyage que nous fîmes enſemble, à la campagne, me procura la facilité de les mettre en œuvre. Quelque opinion que j’euſſe de mon adreſſe, elle ſe trouva inſuffiſante… Il eſt rare qu’une fille de treize ans en ait aſſez pour ſubjuguer un cœur tout neuf ; mais ce que mes agaceries n’avoient pu faire, s’opéra inſenſiblement par la force de l’exemple. Tout reſpiroit l’amour & la galanterie autour de ma mere ; le Marquis de Rozane même, quoiqu’ami de mon pere, n’étoit pas un des moins empreſſes auprès d’elle… L’air étoit contagieux… le jeune