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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/145

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le viſage de ma ſœur. Elle acheva ſon ſacrifice avec un courage qui ſembloit l’élever au-deſſus d’elle-même, & de tout ce qui exiſtoit.

Remiſe de ma premiere émotion, je gardai une contenance aſſez ferme, juſqu’au moment où la jeune Profeſſe s’avança pour donner à ſes parents le dernier baiſer. Alors j’eus beau me raiſonner, il me fut impoſſible de l’attendre… Je me ſauvai dans une ſalle voiſine du Chœur, pour pleurer en liberté.

Deux minutes après on ſortit de l’Egliſe, & ma ſœur entra impétueuſement dans l’endroit où j’étois réfugiée. Surpriſe, interdite de ma rencontre, elle fit un mouvement pour retourner en arriere. Je la prévins & courus vers elle à deſſein de l’embraſſer. Loin de répondre à mon empreſſement, elle recula, me tint en reſpect à quelque diſtance par le froid inexprimable de ſon regard, & par une ſorte d’incertitude dont elle paroiſſoit agitée. Vous pleurez quand mes yeux ſe refuſent aux larmes ! dit-elle… Je n’imaginois pas que ce fût Madame de Murville qui dût en faire uſage… Des Religieuſes qui la cherchoient, arriverent avant que j’euſſe pu lui parler… Je ne la vis plus qu’en public, & nous nous quittâmes ſans qu’elle m’eût témoigné un léger regret de notre éternelle ſéparation.