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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/166

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Ciel ! qu’ai-je fait ! s’écria-t-elle. La perfide m’a trompée, m’a ſéduite par de fauſſes vertus, pour me rendre l’inſtrument de ſes fureurs. Son projet n’aura pas le ſuccès qu’elle s’en étoit promis Vous ne reverrez plus cet écrit ; les noirceurs que ſon début annonce, reſteront dans un parfait oubli.

En parlant ainſi, Madame de Saintal rouloit le cahier, pour le mettre dans ſa poche. Cette action me tira de mon accablement. Arrêtez, dis-je, en lui ſaiſiſſant la main : rendez le-moi, je vous en conjure… au nom de ma tendre amitié. C’eſt cette même amitié qui me le défend, repliquat-elle. Non, ma fille, non, ma chere enfant, ſi vous m’aimez, vous ne lirez point cette malheureuſe production d’un eſprit faux, & d’un cœur ulcéré. — Je vous aime, & je la lirai, Madame : il le faut… Il le faut abſolument. J’en alléguai de bonnes raiſons. La Comteſſe oppoſa les ſiennes ; elle y joignit des careſſes, des larmes, des prieres… alla juſqu’à vouloir ſe jetter à mes pieds… Je tins ferme : de ſorte qu’après un combat très-long, très-opiniâtre, elle fut contrainte de me céder.

Dès qu’elle m’eut quittée, j’allai m’enfermer dans mon cabinet, avec défenſe de laiſſer entrer qui que ce fût, pas même le