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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/19

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rurent le coup de pied de l’âne : je les repouſſai avec tant d’emportement, qu’elle ſe crut obligée de rappeller ma mere ſur la ſcene… Sa préſence ne m’en impoſa point ; les digues étoient rompues ; ma fureur continua, tellement qu’elle-même ſortit des bornes, & penſa ſe porter juſqu’aux voies de fait… La nouveauté, l’impétuoſité du mouvement avec lequel elle s’approcha de moi, m’atterrerent à l’inſtant. Je devins pâle, défigurée ; un friſſon univerſel me ſaiſit… on me crut malade… Madame de Tournemont s’arrêta… Il ne fut plus queſtion de me corriger, mais de me mettre promptement au lit.

Je fus guérie dès que je n’entendis plus le tonnerre gronder ſur ma tête, & que je pus raiſonner à mon aiſe ; car on raiſonne à treize ans avec de l’eſprit, & quelques connoiſſances ébauchées.

Ma mere ſe préſenta la premiere à l’examen : j’oſai me demander pourquoi ſi tendre, ſi careſſante, ſi indulgente, lorſque je n’étois qu’un enfant dépourvu de tout mérite, elle devenoit ſi froide, ſi repouſſante, ſi rigide, à meſure que j’acquérois des années & des avantages plus capables de me concilier ſon affection ?… Comment ſe pouvoit-il que je me fuſſe rendue tant de fois repréhenſible, en m’attachant ſoigneuſe-