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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/196

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bli, Madame de Rozane n’avoit pas inſtruit Murville du parti que j’avois embraſſé… Il m’en témoigna, d’un ton vrai, ſa ſurpriſe & ſon chagrin ; me conjura de ne pas achever mon ſacrifice ; m’en allégua des motifs donc je connoiſſois mieux que lui l’importance : eh quelle comparaiſon pouvoit-il y avoir dans notre façon d’en juger ? Il raiſonnoit, & je ſentois.

„ La fin de ſa lettre étoit plus redoutable pour mes réſolutions. Ce n’étoit plus un conſeiller prudent, qui m’exhortoit à m’éloigner du précipice, c’étoit un ami tendre, qui s’affligeoit, qui s’engageoit à venir ſouvent diſſiper mes ennuis, ſi j’adhérois à ſes prieres, ſi je lui conſervois l’eſpérance de vivre quelque jour avec moi ; mais qui juroit de ne pas approcher de ma retraite, tant que je porterois l’habit odieux, dont le déſeſpoir m’avoit revêtue.

„ Ce dernier article me jetta dans la perplexité. Les raiſons qui m’avoient fait prendre l’état religieux, ſubſiſtant toujours, ne devant jamais être détruites, il ne pouvoit pas entrer dans mes vues de le quitter… Mais ne plus voir Murville ! le perdre comme ami, comme frère, après l’avoir perdu comme amant !…