Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 18 )

s’uniſſent point à nos perſécuteurs, que je m’attachois fortement à la Comteſſe… Elle devenoit tout pour moi. Cette préférence étoit trop marquée, d’ailleurs ſa conduite à mon égard, faiſoit à ma mere une leçon qu’elle ne jugea pas à propos de recevoir… Son mécontentement perça ; la Comteſſe ne voulut point l’entretenir ; … elle partit.

Ce départ m’auroit replongée dans la déſolation, ſi l’arrivée de mon pere n’avoit ſuppléé à ce que j’avois perdu. Sa préſence fit changer le ton ; je recouvrai la paix… Mes goûts, mes chagrins, mes attachements furent oubliés bientôt après.

Tranquille ſous une telle ſauvegarde, je jouiſſois du bonheur qui m’étoit propre, quand M. de Tournemont fut attaqué d’une pleuréſie, qui l’enleva le ſeptieme jour. Quoique je ne viſſe pas encore toute l’étendue de ce malheur, j’en eus une douleur plus vive, plus profonde, qu’on ne devoit l’attendre de ma légéreté.

Mes larmes ne ceſſerent point en retournant à Paris : au contraire, elles devinrent plus abondantes à la vue des lieux que mon pere avoit habités. Je perdois en lui mon appui, mon défenſeur contre les mortifications qui commençoient d’agiter ma vie : ce ſont là de ces privations qu’un intérêt d’inſtinct nous fait ſentir à tout âge.