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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/23

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Cette continuité d’affliction fatigua ma mere ; elle ſe reſſouvint que j’avois à remplir des devoirs de religion, dont juſques-là on ne m’avoit point occupée. Ce fut la raiſon, ou le prétexte qui accéléra mon entrée au Couvent de ***.

Le Cloître étoit un ſéjour bien extraordinaire pour moi ; & ce qui ne me l’étoit pas moins, c’étoit d’avoir à vivre, à traiter d’égale avec ma ſœur ; car j’en avois une, dont je n’ai pas encore eu l’occaſion de parler.

Un an, au plus, fondoit mon droit d’aîneſſe ſur Mademoiſelle d’Aulnai ; mais on l’avoit établi dans ma tête ſur tant de prétentions, que je me croyois d’un ordre infiniment ſupérieur au ſien. Divers accidents avoient rendu ſa naiſſance très-fâcheuſe à Madame de Tournemont ; elle en avoit reſſenti long-temps, & bien douloureuſement les ſuites ; delà, ſans doute, étoit née une forte d’averſion pour cet enfant, dont elle ne revint jamais.

Des bras de ſa nourrice, Mademoiſelle d’Aulnai avoit paſſé dans le Couvent où l’on me conduiſit. Je ne la connoiſſois que pour l’avoir vue rarement à la grille, ou quand mon pere obtenoit qu’elle ſortît pour quelques heures. Alors même les ſentiments de ma mere ſervant de regle aux miens, j’étois