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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/49

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ſanté même fut altérée. Mademoiſelle de Villeprez y ſoupçonnant du myſtere, me fît des queſtions, que j’éludai d’abord aſſez bien. Elle y revint, je me brouillai dans mes réponſes : ſa curioſité augmenta… j’en fus tourmentée ſans relâche.

Un jour que nous étions, comme à l’ordinaire, toutes deux avec le Comte, elle me pouſſa ſi fortement, que pour m’en délivrer je pris le parti d’accuſer ma mere des chagrins qui me dévoroient. C’étoit ouvrir la carriere à Rozane, qui ne manqua point l’occaſion de la parcourir.

Il reſtoit ſi peu chez la Marquiſe, que jamais il n’avoit obſervé ce dont je venois de me plaindre ; mais dès qu’il vit en moi une victime de ſon humeur, je l’intéreſſai : mes larmes le pénétrèrent, & toute réſerve à ce ſujet fut bannie d’entre nous. Nous revenions à cette matiere ſans nous en appercevoir : quelquefois nous n’en traitions pas d’autre, malgré l’ennui qu’elle cauſoit à Mademoiſelle de Villeprez.

La pitié rendit le Comte plus ſédentaire ; il cherchoit à me procurer quelque conſolation : eh ! qu’il y réuſſiſſoit bien ! Mon cœur n’étoit plus déchiré ; une douce langueur le rempliſſoit… je n’étois pas heureuſe ; mais en recommençant de l’eſpérer, je ſouffrois avec plus de patience.