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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/50

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Les ſoins du Comte en ma faveur n’alloient pas juſqu’à interrompre ſes aſſiduités chez Mademoiſelle de Villeprez : à la vérité quelque choſe paroiſſoit lui manquer lorſqu’il ne m’y trouvoit pas ; & ſouvent il m’en faiſoit, en ſa préſence, des reproches obligeants. Cette fille altiere ſe crut offenſée par ces témoignages d’affections : elle s’en expliqua avec beaucoup de hauteur. Rozane ſe défendit, en homme qui ne veut point céder : la querelle s’échauffa ; il ſe ſéparerent d’une manière équivoque ; & ce fut du Comte même que j’appris ces détails. Que l’amour eſt un habile inſtituteur ! il tient lieu d’étude, d’expérience quand il s’agit du cœur de ce qu’on aime. Sans le ſecours de l’un ni de l’autre, j’obſervai que celui de Rozane avoit plus de mécontentement que de douleur, & j’en treſſaillis d’aiſe ; mais j’eus la force de me contenir ; même celle de prendre la défenſe de ma rivale. Mademoiſelle de Villeprez, lui dis-je, n’exige qu’en proportion de ce qu’elle donne. Elle craint que l’amitié ne partage vos ſentiments, parce que vous poſſédez excluſivement les ſiens. Cette erreur ne me ſéduit plus, répondit-il ; je vois clair. Mademoiſelle de Villeprez eſt impérieuſe, & très-peu ſenſible ; c’eſt moins un amant, qu’un eſclave qu’il lui faut… Je ne ſuis pas propre à