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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/77

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beſoin pour ſentir… Un cœur formé dans le ſecret eſt plus capable qu’un autre d’un attachement ſans partage ; nous pourrions toutes deux en fournir la preuve. — Et comment ? — Vous, par la diverſité de vos goûts ; moi, par l’opinion que je peux avoir du mien. Vous aimez le Comte, mais de votre aveu, vous aimez avec lui, les plaiſirs, la diſſipation, qui me ſeroient inſupportables, parce qu’ils détourneroient mon attention de ce qui m’intéreſſeroit le plus. Les grandes diſtractions de l’eſprit ſont toujours aux dépens du cœur.

On voit bien, lui dis-je, que vous en êtes encore ſur cet article, à la ſimple ſpéculation. Vous en rabattriez, ma ſœur, ſi quelqu’un parvenoit à vous plaire, ou vous ſeriez la plus malheureuſe des femmes. Concentrée dans un objet unique, ſon abſence vous tueroit infailliblement… A ma place, vous ſeriez déjà morte. Non, répondit-elle, la certitude d’être aimée ſoutiendroit ma raiſon : elle me donneroit un courage à l’épreuve de tous les revers. — Mais ſi, comme je le crains pour moi, notre mere s’oppoſoit conſtamment à vos deſirs ? — J’attendrois. — Quoi ? — L’âge où les Loix me permettroient de diſpoſer de ma main. En partant de celui où nous ſommes, dis-je en ſouriant, il nous faudroit de la patience. —