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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/76

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neuve, qu’elle en fut émue d’une tendre pitié. De ce moment elle devint mon amie, mon avocat ; mais quelque bienveillance qu’elle me témoignât, ce n’étoit qu’avec Mademoiſelle d’Aulnai que j’oſois ouvrir mon cœur librement.

Que de dangereuſes communications ne ſe fait-il pas entre deux jeunes perſonnes vives, ſenſibles & renfermées ! Nous nous cherchions ſans ceſſe, nous avions toujours quelque choſe à nous dire, quoique nous n’euſſions jamais qu’un même ſujet à traiter.

La différence de nos poſitions ſembloit devoir en mettre une infinie dans l’intéret que nous apportions à nos entretiens ; mais, par une ſingularité qui m’étoit inexplicable, ma ſœur y jouoit le premier rôle, comme par-tout ailleurs. Rien de plus fort, de plus énergique que ce qu’elle diſoit de l’amour. Toute paſſionnée que j’étois, je me trouvois bien loin d’elle, & ne concevois pas qu’une fille cloîtrée dès le berceau, pût avoir de pareilles idées. Où donc avez-vous pris tout cela, lui demandai-je un jour ? Dans mon ame, repondit-elle. L’amour eſt le plus doux penchant de la nature, & pour nous l’indiquer, elle eſt le plus grand des maîtres. Quoi, dis-je, ſans objet ? ſans expérience ? — Qu’appellez-vous de l’expérience ? les leçons du monde ? On n’en a pas