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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/97

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aurez le double avantage d’avoir rempli votre devoir, & de rendre au Comte la liberté de revenir. Quoi ! m’écriai-je, ſon retour eſt à prix ? on ne peut l’acheter que par un odieux ſacrifice ?… Rozane ! vous ne me reverriez donc qu’unie à votre rival ? Il ne nous reſteroit qu’à gémir, qu’à mourir du regret de ne pouvoir jamais être l’un à l’autre ? Quelle violence ! quel ſupplice on nous prépare à tous deux ! Frappée de cette perſpective, je continuai de m’en repréſenter l’horreur. Mon beau-pere attendri, n’oſoit me plaindre, & n’avoit pas la force de me blâmer. Sa poſition étoit embarraſſante… Son valet-de-chambre l’en tira, en venant chercher ſes ordres pour Paris.

Reſtée ſeule, je penſai que, par la même occaſion, je pourrois conſulter ma ſœur ; & certaine que ma lettre ne paſſeroit pas en d’autres mains, je ne contraignis aucun de mes ſentiments. J’accuſai ma mere de barbarie, le Marquis de froideur. J’apoſtrophai Murville ; je jurai que je le déteſtois, que je me reprochois de ne l’avoir pas toujours également haï… Toutes mes phraſes étoient coupées par de douloureuſes exclamations… Enfin je demandois conſeil, comme on imploroit le ſecours des Oracles, pour ſe décider dans les plus importantes affaires. Voici