Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 31 )

ment. Aux prieres, aux inſtances, à l’empreſſement le plus flatteur, il ſubſtitua les plaintes, les reproches, les doutes déſobligeants ſur un amour dont je ne voulois donner aucune preuve… Ma froideur prétendue, mes défiances exceſſives, contraſtoient dans toutes ſes lettres, avec l’ardente paſſion, & l’abandon généreux de Madame d’Archenes… Il s’accuſoit de tromper une femme, ſi tendre, ſi ſincere, pour une ingrate, qui probablement ſe jouoit de ſa peine, & triomphoit d’avoir fait deux malheureux en le rendant infidele.

De quels dangers cette nouveauté ne me menaçoit-elle pas ! Cardonne ſoupçonnoit mon cœur, ma franchiſe, me comparoit avec l’Intendante, à mon déſavantage… il ſentoit des remords… ne voyoit plus en ma rivale, que ce qui devoit la lui rendre chere : delà juſqu’au retour, il n’y avoit qu’un pas… J’allois perdre ma conquête,… j’allois être ſacrifiée… Il falloit m’expoſer aux traits d’une double vengeance, ou retenir Cardonne à quelque prix que ce fût… Je n’en avois qu’un moyen : c’étoit de céder à ce qu’il demandoit, de le voir, de lui parler… A la vérité, cela pouvoit me mener bien loin ; mais preſſée par ma poſition, j’évitai de m’appeſantir ſur les conſéquences, & me rendis, le moins