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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/156

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il s’honore ? Non, répondit-elle ; on voit que vous ne connoiſſez ni la valeur réelle de notre ſexe, ni l’éclat que nos avantages ſolides reçoivent des agréments extérieurs… Je n’en ſuis pas ſurpriſe : la vanité diſcerne mal, elle donne dans le faux ; c’eſt l’amour-propre bien entendu qui ſaiſit le vrai des choſes : tel eſt celui qui m’a toujours guidée. Auſſi, quelle différence dans l’uſage que nous avons fait de notre beauté ! La vôtre vous a perdue, la mienne m’a fait regner. Vous n’avez été, juſqu’à préſent, qu’une coquette très-ordinaire, moi une femme habile dans l’art de dominer… Ma mere s’interrompit en me faiſant entendre que ſa ſublime politique étoit au-deſſus de ma portée ; mais ſon début avoit piqué ma curioſité, & j’obtins, à force d’inſtances, le développement qu’elle me refuſoit.

Mariée ſans goût, au ſortir de l’enfance, reprit-elle, je ſentis dès-lors que j’étois faite pour avoir une façon de penſer, un caractere, des principes à moi. Mon cœur me dit ce que je valois, & mon eſprit ce que j’avois à redouter des hommes. Je vis que ces êtres impérieux ne rampoient devant nous, que pour nous aſſujettir : que ce beſoin d’aimer, ce penchant ſéducteur qui nous emporte vers eux, étoit une diſpoſition prochaine à l’eſclavage, & que