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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/157

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nous y tombions décidément par une foibleſſe.

Indignée de cette découverte, dont mille exemples atteſtoient la vérité, je me fis une loi de ne regarder en tout amant, qu’un tyran adroit qui garniſſoit de fleurs les chaînes dont il vouloit me charger. Cependant, comme il m’auroit été dur de renoncer aux hommages que s’attirent les graces & la jeuneſſe, je les accueillois, j’en paroiſſois plus flattée que les autres femmes, parce que je les payois beaucoup moins cher. Mon procédé avoit de la franchiſe. Pour retenir mes adorateurs, je ne feignois point de donner dans leurs pieges, & ne fomentois pas leurs téméraires eſpérances ; ſeulement j’applaudiſſois, j’ajoutois à la bonne opinion d’eux-mêmes ; & chacun, ſans que je lui diſſe, ſe tenoit pour aſſuré qu’il auroit eu la préférence, ſi j’avois dû l’accorder à quelqu’un. Vous ignorez quel parti on peut tirer d’une telle fineſſe pour n’être pas dupe des hommes. Ils préſentent ſans ceſſe un fantôme d’amour, dont la plupart d’entr’eux n’a jamais connu l’exiſtence ; c’eſt par air, par vanité qu’ils s’attachent à nous : encenſons, careſſons leur chimere, & preſque tous nous tiendront quittes du reſte. A la vérité, cette conduite adroite n’auroit peut-être pas empêché qu’on ne déſertât ma cour, ſi je n’avois